Les touristes de l’été sont partis et les beaux jours sont toujours là. Visiter la Venise du nord en septembre est une très belle idée.
La frite est-elle belge ?
Attention, sujet sensible. On ne s’attaque pas impunément à un monument culinaire local. Et pourtant la célèbre frite ne serait pas belge. Ce plat est aujourd’hui populaire dans le monde entier et c’est la façon dont la pomme de terre est la plus consommée. C’est surtout dans sa version surgelée que les frites font le tour du monde. Aliment pratique, bon marché et nourrissant, les frites industrielles représentent l’immense majorité de la consommation et inondent les rayons des supermarchés et les menus des fast-food.
Origine des frites
Les frites sont un raccourci de « pomme de terre frite ». Les pommes de terre frites regroupent différentes préparations de pommes de terre cuites dans l’huile ou dans la graisse. La forme des frites, sujet central pour notre sujet, est peu abordée dans la littérature ancienne et la forme ronde (en tranche) était préférée par nos ancêtres (c’était plus joli et plus distingué, paraît-il).
Toujours est-il que la pomme de terre arrive dans les soutes des navires revenant du Nouveau-Monde. Originaire d’Amérique du Sud, la pomme de terre arrive en Europe seulement vers les années 1580. D’abord réservée au bétail, elle arrive dans les cuisines difficilement. Accusée de transmettre la lèpre ou la peste, sa culture est interdite. Ce n’est qu’en 1772 que la Faculté de médecine de Paris la déclara apte à la consommation.
Au 18ème siècle, dans les campagnes, la cuisson à la graisse était peu répandue car très chère. Par contre, les marchands ambulants plongeaient dans leurs marmites de fritures légumes, viandes et pommes de terre à cette époque. Durant la Révolution française, les « pommes Pont-Neuf » seraient apparues. Il n’est pas encore question de bâtonnets mais le reste est bien là : pommes de terre et friture. Plat populaire, elles sont appréciées par tout le monde et Baudelaire tout comme Hugo en étaient friands. La culture populaire s’empare alors de la pomme de terre frite. Du côté de la gastronomie, plusieurs recettes de pommes de terre frites de la fin du 18ème siècle et du début du 19ème siècle sont même publiées.
Ce n’est qu’à partir de la seconde moitié du 19ème siècle que la forme en bâtonnets est documentée. Le bavarois Frederik Krieger, après avoir appris cette recette à Paris a décidé de remonter vers le nord puis d’ouvrir la première baraque à frite de Belgique en 1842. Avec son épouse, il nomma son entreprise « Fritz ». Ce forain fait alors fortune avec ses « pommes de terre frites à l’instar de Paris ». Les Belges adoptent très vite le produit et lui apportent la double cuisson. C’est ainsi que la frite s’ancre solidement dans la culture belge. Elle devient même un plat identitaire.
La Belgique, championne des frites
Cela n’empêche pas la Belgique d’être championne du monde : chaque famille en consomme 16 kilos par an et le pays est le plus gros producteur mondial avec les usines McCain qui produise plus d’un demi-million de tonnes chaque année et des exportations dans plus de 100 pays. Malgré tout, difficile de rivaliser pour la Belgique avec les champions de l’export que sont les grands pays exportateurs de surgelés à base de pomme de terre : les Pays-Bas, les USA et le Canada.
Et que serait la Belgique sans ses friteries ? Depuis 2014, elles sont reconnues par la région flamande comme faisant partie de l’héritage culturel immatériel.
La frite façon belge
Les frites belges sont réalisées avec des pommes de terre farineuses comme la bintje. Elles sont épaisses (1cm de côté) et nécessitent une double cuisson à la graisse de bœuf : la première à 150 degrés, la seconde à 170 degrés.
En cela, elles sont différentes des frites françaises et des autres pays qui sont souvent plus fines (et même en tranche, en ficelle ou en rondelles) et ne trempent qu’une seule fois dans l’huile de cuisson. Si on fouille un peu plus, on se rend compte qu’il existe au moins 6 formes de frites dont l’épaisseur et la longueur varient.
Les frites belges se dégustent en cornet, en sachet ou en barquette à la friterie ou avec un plat local de bord de mer comme des moules, de la mayonnaise, quelques gouttes de vinaigre ou simplement avec du sel. Les autres pays s’en sont emparés et les Québécois en font l’ingrédient principal de leur poutine, les Anglais les marient en fish and chips et aux État-Unis, les french fries s’accompagnent de l’incontournable ketchup. En Amérique du Sud, les frites se dégustent avec du piment et du fromage ou du chili con carne et en Asie, on trouve des frites au sucre et au beurre.
À Bruges, l’étape incontournable pour en savoir plus sur les frites est le musée qui leur est dédié. C’est le seul musée au monde spécialisé dans la frite.
Mais convenons-en volontiers, même si l’origine se dispute et qu’on peut arguer d’un peu de mauvaise foi, les meilleures frites sont faites en Belgique ;-)